Homélie de Mgr Ulrich – Dimanche 4 juin 2023 – Messe de consécration

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Messe et Consécration de l’autel de la chapelle du Centre Teilhard de Chardin (Gif-sur-Yvette 91190)

Ex 34, 4b-6.8-9 ; Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18 D’après transcription

Homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Quand on ajoute les symboles aux symboles, c’est toujours un peu compliqué. On fête la consécration de cet autel qui est devant nous et c’est aujourd’hui fête de la Sainte Trinité. Mais enfin, comme vous pouvez vous en douter, la première chose a rapport avec la deuxième et inversement.

Parlons d’abord de la Trinité. D’abord cette formule que nous venons d’entendre dans l’évangile de Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » Nous entendons là le don immense que Dieu fait. Le don immense que, dans son amour, il fait désormais à tout homme. La parole en Jésus-Christ est une parole qui, désormais, s’adresse à tous, au-delà d’un peuple particulier, et ouvre la voie d’un amour universel, d’un pardon sans cesse. Et ceci est évidemment capital pour percevoir l’amour de Dieu le Père, en Jésus qui se donne, l’amour de Dieu créateur, sans cesse créateur, par Jésus qui se donne chaque jour, sans cesse, à chacun d’entre nous et à tous ceux qui veulent bien l’entendre, de sorte que cela ouvre pour tous les portes d’une vie éternelle.

C’est cela que nous comprenons. D’une part nous ne faisons pas – et nous allons faire des gestes et des rites tout à l’heure – des gestes magiques, nous ne sommes pas sauvés par des rites mais nous sommes sauvés par le regard d’amour de Dieu sur tous, en Jésus qui se donne à tous, et c’est cela qui transforme l’humanité tout entière et la conduit à son salut.

Nous sommes sauvés du péché, du mal, de la mort, mais c’est par l’amour du Dieu créateur en Jésus Sauveur.

Nous comprenons aussi que cette parole est celle qui fait naître l’Église. J’ai commencé cette célébration par la salutation habituelle, qui n’est pas celle que l’évêque dit d’habitude : « La paix soit avec vous » – qui sont les mots de Jésus ; mais « la grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous. » Cette phrase nous l’avons entendue dans la deuxième lecture de la Seconde lettre aux Corinthiens de l’apôtre Paul. Elle dit cette parole qui sauve, ce Verbe qui sauve, le Christ qui sauve. Cet amour sauveur, cet amour du Père, et du Fils et de l’Esprit est à l’origine de l’Église. Et là on voit qu’on entre dans le mystère de ce que nous célébrons aujourd’hui. Ce mystère est à l’origine de l’Église, à l’origine non pas simplement au point de départ, mais chaque jour, tous les jours à l’origine de la vie de l’Église. Nous la percevons souvent comme une institution, avec ses pesanteurs, avec le péché de ses membres et de ses ministres, avec les faiblesses et les insuffisances de toute organisation humaine. Mais nous entendons par cette invocation que fait l’apôtre Paul – et qui devient une salutation liturgique – que le peuple de Dieu est créé par la parole, par l’amour sauveur de Dieu : c’est l’amour de Dieu qui fait naître cette Église, qui la tient dans sa mission permanente, et lui permet de demeurer comme un signe de cet amour de toujours à toujours. Elle est d’abord l’Église dans le don de Dieu, elle est d’abord dans la circulation de l’amour du Père, et du Fils et de l’Esprit. Elle est là, simplement portée par cet amour qui circule entre eux et qui est toujours présent à nos propres vies, à la vie de l’Église et à tout ce que dans la vie de l’Église, nous vivons en ce moment particulier.

Et enfin, fêter la Sainte Trinité c’est rappeler que le mouvement était commencé depuis longtemps. Nous l’avons lu dans l’Exode : « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » « Tendre et miséricordieux », cet amour qui crée, cet amour qui sauve, cet amour qui accompagne la vie de chacun d’entre nous, la vie de tous les hommes qui désirent y répondre et qui s’acheminent ainsi vers le Salut. Cet amour-là est un amour extrêmement ancien, perçu par le Peuple de Dieu, et aujourd’hui offert à tous. On peut se dire « lent à la colère » on n’aime pas bien cela à propos de Dieu, mais c’est le signe d’un amour qui est pressé de se donner et de créer ce qu’il dit.

Alors nous voyons que, aujourd’hui, nous sommes en train de célébrer cela. Et nous le faisons en faisant les gestes que vous allez voir, et qui, pour la plupart d’entre vous, peut-être pas pour les prêtres et diacres qui sont là qui ont déjà vu cela, mais pour beaucoup dans le Peuple de Dieu, sont des gestes inédits. L’autel est devant nous, l’autel attire nos regards, placé au milieu de l’église pour attirer nos regards, comme le dit saint John-Henry Newman, « l’autel si attirant qui est là dressé pour que tous puissent le voir et y accéder. » Il est dressé. L’autel cela veut dire : ce qui est élevé, c’est la montagne sur laquelle Moïse monte, c’est la montagne du calvaire sur laquelle se trouve le Christ en croix. Cet autel est là au milieu de l’église comme un signe élevé et comme un roc solide. Nous l’aimons cet autel, parce qu’il représente le Christ élevé au-dessus de tous et qui attire à lui tous les hommes. Nous l’aimons cet autel parce qu’il représente le Christ roc, solide, sur lequel nous nous appuyons.

Voilà pourquoi cet autel va être, dans un instant, l’objet de tant d’affection, de marques d’affection. D’abord la marque de la prière autour de lui, invoquant les saints de l’histoire chrétienne. Ceux qui ont mis leur confiance sur le Christ roc, sur le Christ qui sauve sur la croix. Et nous introduirons dans cet autel une relique de saint Stanislas Kostka, un jeune jésuite, un pèlerin, un marcheur, qui de Pologne va vers Rome pour accomplir sa vocation et désirer rentrer dans la Compagnie, mais qui ne tarde pas à mourir, tout jeune, ayant donné sa vie pour manifester cette certitude que le Christ était le roc sur lequel il s’appuyait. Et c’est son témoignage. Cet autel sera, avec la relique que l’on va y déposer, un peu comme le tombeau du Christ, près de qui saint Stanislas repose, et près de qui nous nous sommes là, entourant cet autel.

Puis après cette prière et cette introduction de la relique, nous prierons, je prierai en votre nom, pour que cet autel devienne vraiment le signe de l’amour de Dieu qui fait l’unité, qui appelle à vivre avec courage et espérance les événements de l’existence. L’Église, l’Esprit,
le Christ qui fait l’unité de l’Église, demeurant comme témoin du Seigneur vivant.

Et puis les gestes eux-mêmes : répandre le Saint-Chrême qui a été consacré lors de la messe chrismale récente, répandre le Saint-Chrême sur l’autel, le répandre sur les croix qui sont ici faites mais aussi sur tout l’autel, à la manière dont on le répandait sur le corps de ceux qui ont été choisis par le Seigneur, les rois, les prêtres.

Et enfin les gestes complémentaires qui sont importants : la vêture de l’autel, comme le nouveau baptisé revêt un vêtement blanc, l’encensement de l’autel, parce que notre prière monte vers Dieu comme cet encens, et l’illumination de l’autel, parce que le Christ est là comme lumière à travers sa parole, à travers le don de lui-même, lumière dans l’Église. Ceci est très sensible quand nous célébrons l’eucharistie à la nuit, les nuits de Pâques par exemple, la lumière qui illumine l’ensemble de l’église peu à peu, et bien nous le vivons aujourd’hui comme un signe.

Demandons au Seigneur que ces gestes qui nous réunissent maintenant, soient des gestes d’appel à lui, comme celui qui nous conduit. C’est de lui que nous venons, c’est avec lui que nous marchons, et c’est vers lui que nous allons.